Fatou Diouf: Le voyage d'une vie
Âgée de 45 ans, Fatou Diouf est originaire du village de Keur Sanou, dans l’arrondissement Koumbal, plus précisément dans la communauté rurale de Latmingué, dans la région de Kaolack. Mariée et mère de cinq enfants, Fatou passe ses jours en s’occupant des tâches ménagères, l’éducation de ses enfants, et à gérer son petit commerce qui lui permet de subvenir aux besoins primaires de sa famille. Grâce à un programme de microcrédit, Fatou est devenue une véritable commerçante, participant aux activités génératrices de revenus comme l’élevage, la vente d’huile d’arachide et de fatayas (beignets sénégalais à base de farine et de la sauce de tomates, d’oignons et de poisson). Son mari, Ousmane Cissé apprécie son apport, sa participation aux dépenses quotidiennes et à l’épanouissement de sa famille.
Désormais, Fatou fera encore un pas en avant et apportera plus d’opportunités, non seulement à sa propre famille, mais à toutes les familles du village. Choisie parmi les femmes du village, Fatou Diouf va quitter son village pour les six prochains mois pour aller en Inde. Elle se lancera dans cette grande aventure pour participer à une formation à Barefoot College, une organisation non gouvernementale (ONG) qui se trouve à Tilonia, en Inde. A la fin de cette formation Fatou Diouf sera la seule femme ingénieure dans son village et aura la capacité d’installer 50 panneaux solaires à Keur Sanou.
Une telle réalisation aura certainement une répercussion éclatante.
Née en 1965, Fatou n’as pas eu la chance d’aller à l’école française comme la majeure partie des jeunes de son âge. A l’âge de 17 ans, Fatou s’est mariée avec un cultivateur de son village, Ousmane Cissé. Même si les activités de Fatou se centraient sur la maison, elle n’a jamais perdu son soif d’apprendre, de découvrir.
En 2002, Fatou a eu la chance de participer au Programme pour le Renforcement des Capacités Communautaires (PRCC) de Tostan. Ce programme est un cours de 30 mois qui est basé sur les sujets des droits humains, de la santé et de l’alphabétisation dans les langues maternelles et permet aux femmes de connaître leur droit, leur devoir et le rôle qu’elles jouent dans la société. Fatou confirme si bien les avantages du PRCC, « le programme nous a éclairé sur l’importance des droits humains. Dans le passé, les hommes du village battaient leurs femmes, la femme n’avait droit à aucune parole ou encore le droit à émettre ses opinions. Maintenant, les femmes connaissent leurs droits et vivent en parfaite harmonie avec les hommes. »
De plus, elle a appris des principes importants comme la démocratie, la résolution des problèmes et la gestion des activités génératrices de revenus. « Le programme de Tostan nous a appris comment résoudre nos problèmes. Autrefois, on ne discutait pas. On avait le principe du ‘sauve qui peut.’ Mais aujourd’hui on organise des débats, des rencontres. On s’écoute entre nous, on échange nos idées, on agit et on prend les décisions finales », témoigne Fatou Diouf.
Pendant le programme de Tostan, un comité de gestion communautaire (CGC) a été établi à Keur Sanou. Ce comité regroupe les leaders du village qui mènent les activités de mobilisation sociale et de développement durable dans le village. Le CGC de Keur Sanou est composé de 17 membres, dont 11 sont femmes. Ils font des activités d’assainissements, organisent des journées de reboisement et gèrent le programme du microcrédit qui permet à chaque membre d’avoir sa petite activité commerciale.
Grâce à un partenariat entre Tostan et Sponsor-A-Mum en 2008, le programme de microcrédit a permis à Fatou Diouf de bénéficier d’un prêt de 20,000 FCFA. Avec cet argent, elle a acheté deux chèvres. Cette activité d’élevage a déjà amélioré la situation économique de sa famille. « Ma famille est vraiment contente. Le programme de microcrédit nous permet de gagner un peu plus et de vivre mieux. », souligne Fatou Diouf.
Avec tant d’initiatives qui changeront énormément Keur Sanou, Fatou Diouf est impatiente de contribuer au développement social et économique de son village. Car à Keur Sanou, on vit toujours au moyen âge, le jour est rythmé, éclairci, la nuit, tout s’arrête, tout est sombre obligeant chaque famille à se cloîtrer chez elle. Ce problème d’éclairage est un frein majeur à l’éducation de leurs enfants, au progrès du village. Les enfants du village ont besoin de lumière pour faire leurs devoirs et étudier les soirs. De plus, ils marchent huit kilomètres pour recharger leurs portables, le seul moyen qui leur permet d’être connectés avec les villes urbaines. Les portables sont donc d’une grande importance non seulement pour rester en contact avec des parents éloignés mais aussi pour commander des marchandises alimentaires, vestimentaires et lessivielles pour leur commerce et leur survie au quotidien.
Ainsi, cette formation en Inde permettra à Fatou d’avoir les capacités nécessaires pour résoudre tout ce mal interne et visuel que vive son village.
Le 17 mars prochain, Fatou ira en Inde pour être formée comme ingénieure. Barefoot College, orienté à Tilonia, va accueillir plusieurs femmes de différentes nationalités vivant le même mal pour une formation de six mois. Après cette formation, Fatou sera au bercail pour installer les panneaux, appuyer et assister son village techniquement et humainement.
Pour Fatou, la chose la plus importante est d’apprendre et apporter ses nouvelles connaissances au village. « Je suis impatiente d’apprendre et d’obtenir un vrai certificat. Je n’ai jamais pensé que j’aurai une telle opportunité. Je n’ai jamais pensé que je voyagerai hors du Sénégal » d’une voix adoucie, Fatou est déjà consciente des retombées énormes de ce voyage.
Fatou Diouf attend impatiemment ce voyage avec courage et dignité. Grâce à Tostan et Barefoot College, Fatou sera une première actrice de développement majeur de son village Keur Sanou. Le dos tourné, Fatou ne dit pas à dieu mais compte revenir le plus rapidement possible pour changer, améliorer les conditions de vie de Keur Sanou avec détermination et sacrifice. Des yeux pleins de larmes, Fatou dit au revoir à un village optimiste et rêveur : « je pleure car je suis très touchée de savoir qu’il y aura des jours meilleurs, qu’il y aura un avenir pour tous ces enfants abandonnés à leur propre sort, pour tout un village emprisonné dans la misère sociale et le sous développement. »
Dame GUEYE
Responsable des CGC
Coordination Tostan Sénégal
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