lundi 10 décembre 2012

Lumière sur les filles: La Loi de Mariétou


Nous célébrons aujourd’hui pour la première fois de l’histoire la Journée Internationale des filles. Nous clôturons notre série de portraits sur les filles par Mariétou, originaire de Thiès, au Sénégal.

Un récit de Penda Mbaye, gestionnaire de programmes à Tostan Dakar.
En 2002, j’étais facilitatrice du programme de Tostan dans le quartier de Hersent, à Thiès, une ville à 70 kilomètres à l’est de Dakar. J’ai remarqué Mariétou, une jeune fille âgée de 15 ans, qui a contribué à changer positivement la perception de la violence domestique dans sa communauté.
Le père de Mariétou est mort quand elle avait quatre ans, l’obligeant à vivre avec son beau-père. Toutes les nuits, celui-ci abusait de sa mère. Mariétou se sentait impuissante. Profondément affectée, elle n’a jamais pu intervenir, ne pouvant que pleurer la douleur de sa mère.
Plusieurs années après, Mariétou est devenue l’une des participantes au programme de Tostan à Hersent. Elle a discuté et elle a appris l’importance du respect et de la protection des droits humains. Sa décision était prise, elle devait faire quelque chose pour sa mère, sa souffrance avait trop duré. Mariétou décida de parler au chef de quartier mais fut déçue par sa réaction. Pour lui, les enfants ne devraient pas se mêler des affaires de leurs parents.
Mariétou ne se découragea pour autant et a décida d’attirer l’attention des membres de sa communauté sur la violence domestique. Elle su tout de suite qu’elle était sur le point de faire quelque chose d’inédit et d’extraordinaire.
Forte de ses connaissances sur les droits humains, Mariétou s’adressa à la mosquée du quartier afin d’aborder la question de la violence domestique avec l’imam et d’autres personnes importantes de sa communauté. Quand la prière de la mi-journée fut terminée et que chacun s’apprêtait à quitter la mosquée, Mariétou demanda : « Est-ce que je peux avoir votre attention un instant ? ».
Tous les regards se tournèrent vers elle. On pouvait y lire la surprise qu’une jeune fille comme elle s’adresse aux fidèles dans la mosquée. Chacun attendit, curieux de savoir ce que Mariétou avait à dire. Elle demanda à l’imam : « Savez-vous que des fidèles de cette mosquée abusent de leur femme tout les jours ? J’aimerais savoir : est-ce que l’Islam autorise les maris à abuser de leur épouse comme certaines personnes que je connais ? Savez-vous que chaque être humain a le droit d’être protégé contre la violence domestique ? S’il-vous-plaît, cher imam, faites quelque chose pour arrêter la violence domestique dans le quartier. Si vous ne faites rien et que mon beau-père continue à frapper ma mère, j’appellerai la police pour le dénoncer, lui et tous les autres hommes qui font la même chose. Je les connais ».
L’assistance éclata de rire, avant de se tourner vers le beau-père. L’imam autorisa les fidèles à quitter la mosquée, à l’exception de Mariétou et de son beau-père. Avec sévérité, il rappela que l’Islam condamne la violence domestique. Peu après, le beau-père de Mariétou se mit à pleurer, jurant qu’il ne lèverait plus jamais la main sur sa femme.
Les deux vendredis suivants, l’imam consacra ses prêches à la violence domestique et expliqua en quoi l’Islam ne la tolérait pas. Les membres de la communauté commençaient à s’engager : ils organisèrent un forum sur la violence domestique. A ce moment-là, tous les membres importants du quartier décidèrent de se joindre au mouvement d’abandon de la violence domestique. Ils prirent ensemble la décision de dénoncer ceux dans le quartier qui ne se conformeraient pas à la nouvelle norme : l’abandon de la violence domestique.
Pour renforcer cette décision, une loi fut mise en place : la « loi de Mariétou ». Mariétou fut également élue coordinatrice du nouveau comité de vigilance sur la protection des femmes et des filles contre la violence domestique. Mariétou a partagé avec moi son histoire et sa joie d’avoir été à l’origine de l’implication de l’imam et de toute sa communauté pour arrêter la violence contre les femmes et les filles. Forte des connaissances qu’elles avaient acquises dans le cadre du programme de Tostan et grâce à sa détermination et son courage, Mariétou est devenue un vrai défenseur des droits humains. Aujourd’hui, elle n’a plus à s’inquiéter pour sa mère ou d’autres femmes victimes d’abus dans sa communauté.
Célébrez vous aussi la Journée internationale des filles en partageant l’incroyable histoire de Mariétou avec votre entourage !

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