Nous célébrons aujourd’hui pour la première
fois de l’histoire la Journée Internationale des filles. Nous clôturons notre
série de portraits sur les filles par Mariétou, originaire de Thiès, au
Sénégal.
Un récit de Penda Mbaye, gestionnaire de programmes à Tostan Dakar.
En 2002, j’étais
facilitatrice du programme de Tostan dans le quartier de Hersent, à Thiès, une
ville à 70 kilomètres à l’est de Dakar. J’ai remarqué Mariétou, une jeune fille
âgée de 15 ans, qui a contribué à changer positivement la perception de la
violence domestique dans sa communauté.
Le père de Mariétou est
mort quand elle avait quatre ans, l’obligeant à vivre avec son beau-père.
Toutes les nuits, celui-ci abusait de sa mère. Mariétou se sentait impuissante.
Profondément affectée, elle n’a jamais pu intervenir, ne pouvant que pleurer la
douleur de sa mère.
Plusieurs années après,
Mariétou est devenue l’une des participantes au programme de Tostan à Hersent.
Elle a discuté et elle a appris l’importance du respect et de la protection des
droits humains. Sa décision était prise, elle devait faire quelque chose pour
sa mère, sa souffrance avait trop duré. Mariétou décida de parler au chef de
quartier mais fut déçue par sa réaction. Pour lui, les enfants ne devraient pas
se mêler des affaires de leurs parents.
Mariétou ne se découragea
pour autant et a décida d’attirer l’attention des membres de sa communauté sur
la violence domestique. Elle su tout de suite qu’elle était sur le point de
faire quelque chose d’inédit et d’extraordinaire.
Forte de ses connaissances
sur les droits humains, Mariétou s’adressa à la mosquée du quartier afin
d’aborder la question de la violence domestique avec l’imam et d’autres
personnes importantes de sa communauté. Quand la prière de la
mi-journée fut terminée et que chacun s’apprêtait à quitter la mosquée,
Mariétou demanda : « Est-ce que je peux avoir votre attention un
instant ? ».
Tous les regards se
tournèrent vers elle. On pouvait y lire la surprise qu’une jeune fille comme
elle s’adresse aux fidèles dans la mosquée. Chacun attendit, curieux de savoir
ce que Mariétou avait à dire. Elle demanda à l’imam : « Savez-vous
que des fidèles de cette mosquée abusent de leur femme tout les jours ?
J’aimerais savoir : est-ce que l’Islam autorise les maris à abuser de leur
épouse comme certaines personnes que je connais ? Savez-vous que chaque
être humain a le droit d’être protégé contre la violence domestique ?
S’il-vous-plaît, cher imam, faites quelque chose pour arrêter la violence
domestique dans le quartier. Si vous ne faites rien et que mon beau-père
continue à frapper ma mère, j’appellerai la police pour le dénoncer, lui et
tous les autres hommes qui font la même chose. Je les connais ».
L’assistance éclata de
rire, avant de se tourner vers le beau-père. L’imam autorisa les fidèles à
quitter la mosquée, à l’exception de Mariétou et de son beau-père. Avec
sévérité, il rappela que l’Islam condamne la violence domestique. Peu après, le
beau-père de Mariétou se mit à pleurer, jurant qu’il ne lèverait plus jamais la
main sur sa femme.
Les deux vendredis
suivants, l’imam consacra ses prêches à la violence domestique et expliqua en
quoi l’Islam ne la tolérait pas. Les membres de la communauté
commençaient à s’engager : ils organisèrent un forum sur la violence
domestique. A ce moment-là, tous les membres importants du quartier
décidèrent de se joindre au mouvement d’abandon de la violence domestique. Ils
prirent ensemble la décision de dénoncer ceux dans le quartier qui ne se
conformeraient pas à la nouvelle norme : l’abandon de la violence
domestique.
Pour renforcer cette
décision, une loi fut mise en place : la « loi de Mariétou ». Mariétou fut
également élue coordinatrice du nouveau comité de vigilance sur la protection
des femmes et des filles contre la violence domestique. Mariétou a partagé avec
moi son histoire et sa joie d’avoir été à l’origine de l’implication de l’imam
et de toute sa communauté pour arrêter la violence contre les femmes et les
filles. Forte des connaissances qu’elles avaient acquises dans le cadre du
programme de Tostan et grâce à sa détermination et son courage, Mariétou est
devenue un vrai défenseur des droits humains. Aujourd’hui, elle n’a plus à
s’inquiéter pour sa mère ou d’autres femmes victimes d’abus dans sa communauté.
Célébrez vous aussi la Journée
internationale des filles en partageant l’incroyable histoire de Mariétou avec
votre entourage !
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