Anna Vanderkooy, volontaire à Tostan Sénégal, nous raconte sa rencontre avec
Aïssata.
Aissata Ba |
Je me suis rendue il y a
quelques semaines dans le village de KolmaPeulh, situé
dans la région de Kaolack. Le village reçoit depuis 2008 le programme de Tostan
et je dois rencontrer le facilitateur du programme et des membres de la
communauté.
Au cours de ma visite, les
habitants ont eu à cœur de me montrer quelle influence le programme a eu sur
Kolma Peulh : plus grande participation des femmes et des adolescents dans
la prise de décision, plus grande priorité donnée à la santé des enfants et création
d’une armoire à pharmacie dans le poste de santé, abandon des mariages précoces
et forcés, engagement accru en faveur de la scolarisation des filles et des
garçons. Jusque tard dans la nuit, j’ai pris des notes à la lumière des bougies sur les
histoires et les chansons que des femmes et des hommes de tous âges étaient
venus partager avec moi.
L’un des points d’orgue de
mon séjour a été ma rencontre avec Aïssata Ba, âgée de 6 ans. Quand je lui ai
demandé si elle acceptait de me parler d’elle et de sa
vie à Kolma Peulh, elle a souri, a hoché modestement la tête et notre
conversation a commencé.
Anna : beaucoup de gens au
Sénégal et partout dans le monde s’intéressent à ce qui se passe à Kolma Peulh.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Aïssata : je m’appelle Aïssata
Ba, j’habite à Kolma Peulh. J’ai six ans et ma mère est Aminata Ba, tu as parlé
avec elle hier.
Anna : ah je vois ! Je
crois qu’elle a dit que tu irais à l’école l’année prochaine pour la première
fois. Est-ce que tu as hâte ?
Aïssata : je suis inscrite pour
commencer bientôt et je suis impatiente ! Ma mère et ses amies ont appris
à lire [en langue pulaar pendant les classes Tostan], elles m’ont déjà montré
comment lire les livres d’images de Tostan. Mon préféré est celui qui parle
d’une antilope qui travaille très dur pour préparer le dîner. Mais maintenant
je les ai tous lus et les autres enfants disent qu’il y a plein d’autres choses
à lire à l’école. On aura beaucoup de choses à apprendre mais j’ai déjà un peu
d’avance.
Anna : est-ce qu’il y a un
sujet sur lequel tu as particulièrement envie d’apprendre ?
Aïssata : je ne sais pas
ajouter les nombres et écrire les mots. En fait, j’aimerais rester à l’école
aussi longtemps que possible pour tout apprendre. Quand je serai grande, je
veux être professeur ou peut-être infirmière. Donc je dois voir toutes les matières à l’école.
Anna : est-ce que tu as
remarqué si des choses ont changé ces derniers temps pour les filles qui vivent
à Kolma Peulh?
Aissata lit un livre pour enfant conçu par Tostan |
Aïssata : maintenant, plus de
filles vont à l’école et mon village a décidé que les filles pourront rester à
l’école aussi longtemps qu’elles le veulent. Mes parents m’ont dit la même
chose et je les écoute toujours. Ils disent qu’ils vont s’assurer que je ne
sois pas mariée [avant de finir l’école]. Je veux rester à l’école longtemps,
parce que tu as besoin de savoir beaucoup de choses avant de devenir
professeur. J’aimerais être comme ma mère : maintenant c’est elle qui
prend beaucoup de décisions à Kolma Peulh. Aujourd’hui dans mon village, les
gens disent que les filles peuvent faire autant de choses que les garçons, donc
je voudrais leurs montrer que je peux faire beaucoup et que je peux être une
très bonne élève.
Anna : je suis sûre que tu
seras très bonne à l’école. Est-ce que tu veux parler de quelque chose
d’autre ? Est-ce que tu as une question pour moi ?
Aïssata : j’ai bien aimé les
questions que tu m’as posées. J’aimerais savoir ce que tu voulais faire plus
tard quand tu étais enfant. Je crois que tu devrais être écrivain parce que tu
as noté plein de choses très vite. Tu pourrais écrire d’autres livres pour les
enfants comme moi qui vont à l’école et je pourrais les lire.
Anna : j’aime beaucoup ton
idée !
La conversation a été menée
en langue pulaar et traduite en français pour Anna.
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